Les moutons sur la Côte Sainte-Catherine
La solution écologique pour restreindre l'évolution du brachypode sur la Côte Sainte-Catherine a été trouvée par le pâturage ovin. Une à deux fois par an, un troupeau de plus d'une centaine de moutons est conduit de manière ciblée, par un berger, à travers la colline. Une gestion très précise du passage du troupeau permet ainsi la régénération naturelle de la biodiversité.
Au début, une ancienne race de moutons retrouvée aux Pays Bas, le mergeland, très rustique et adaptée aux terrains difficiles, a commencé le défrichement. Elle a été remplacée par des moutons de race solognote, à tête marron, plus faciles à trouver dans les élevages français. Leur laine, à l'origine de couleur également marron, servait à fabriquer les vêtements de bure que portaient les moines.
Les moutons sur la Côte Sainte-Catherine en mai 2010 |
Outre l'entretien par le pâturage, le passage du troupeau qui fréquente aussi d'autres sites comme les coteaux de Darnétal et de Saint-Adrien, a un effet bénéfique sur la biodiversité par la diffusion des graines et plantes transportées dans la laine comme celle du gaillet grateron (galium aparine) dont les tiges remontantes sont également munies de petits crochets très adhésifs. Le nom de gaillet est la déformation de caille-lait car ces plantes de la famille de l'aspérule étaient utilisées pour le caillage du lait. C'était surtout le cas du caille-lait jaune (galium verum) que l'on trouve aussi sur la Côte.
Autrefois les coteaux de la Côte Sainte-Catherine étaient entièrement recouverts de pelouses rases. Puis l'invasion arbustive et l'urbanisation les ont divisés en îlots de pelouses isolés, parfois reliés par un corridor végétal permettant encore un échange de graines. Si la pelouse est entièrement isolée, sans possibilité d'échange, la petite végétation peut dégénérer ou disparaître au bout d'un certain temps.
Le développement excessif et récent d'une végétation arbustive sauvage a cependant permis à la colline d'accueillir une nombreuse variété d'oiseaux de ville et des champs, dont la concentration est jugée exceptionnelle en pleine agglomération urbaine.
En reprenant la seconde partie de l'escalier, et en tournant à droite en suivant le GR25 qui passe sous le site du panorama, on se dirige vers les pelouses calcicoles les plus caractéristiques. En chemin, on peut remarquer le sisymbrium officinale, dénommé herbe-aux-chantres car il guérit les enrouements.
De très nombreuses plantes ont des pouvoirs curatifs. C'est une des raisons pour conserver la biodiversité afin de bénéficier du réservoir le plus vaste possible de molécules à destination médicale. Une autre plante, l'orobanche, dressée sur une simple tige portant plusieurs fleurs en forme de tubes de couleur jaune et brun foncé, ne possède aucune partie verte à cause d'une absence totale de chlorophylle. Pour assimiler les éléments nécessaires à sa croissance, elle parasite les racines d'une plante voisine et spécifique. Ici, l'orobanche parasite surtout des légumineuses comme le Iotier jaune. Il faut également noter la présence de la gaude (réséda luteola) très cultivée au Moyen-Age car elle fournissait la teinte jaune à l'importante industrie drapière de cette époque. Le genêt des teinturiers (ginesta tinctoria) avait le même usage.
Un petit escalier permet enfin de descendre vers les pelouses typiquement calcicoles. Ce milieu fragile doit être totalement préservé, notamment en évitant le piétinement et surtout la cueillette de fleurs dont certaines sont rares et donc classées. L'apparition de ces pelouses est conditionnée par plusieurs facteurs. II faut d'abord un substrat calcaire qui existe grâce à la formation géologique de la Côte. Ensuite la pelouse s'installe surtout sur des pentes à 45°, qui ne retiennent ni limon ni humus, entraînés par le ruissellement.
Sous l'effet du soleil, la craie souvent mise à nue ou à fleur de sol, dégage de très fortes températures, phénomène amplifié par l'exposition sud du terrain. Ces conditions permettent l'apparition d'une végétation dite sub-méditerranéenne comme l'origan très utilisé dans le midi pour assaisonner les pizzas. L'hélianthème et la pimprenelle font également partie de cette catégorie de végétation. Cette dernière est nommée sanguisorbe (absorbe le sang) car elle cautérise les plaies.
Plusieurs autres plantes affectionnent les pelouses sèches comme la digitale jaune, la vulnéraire, la scabieuse, la centaurée scabieuse et le millepertuis appelé ainsi pour les nombreux trous qui apparaissent lorsque l'on regarde la feuille à contre-jour. Le polygale qui possède de petites fleurs roses ou bleues a la réputation d'augmenter la production de lait des vaches qui le broutent (poly = beaucoup ; gala = lait). Un petit papillon, l'argus bleu, se trouvera fréquemment sur ces coteaux ensoleillés, tandis que le superbe machaon, plus rare, vole de préférence autour des ombellifères.
© Christian CHABRERIE - Avril 2005